Le jeune membre du Club, âgé de 22 ans, vient de disputer la Youth America’s Cup à bord du voilier AC40 Alinghi Red Bull Racing en tant que barreur tribord. Il y a sept ans à peine, il régatait encore en Optimist avec le Sailing Team de la SNG. Il nous parle de cette aventure hors du commun.
Arnaud, quel bilan tires-tu de ta participation à la Youth America’s Cup ?
Arnaud Grange : C’était une aventure exceptionnelle, qui a débuté avec la phase de sélection il y a plus d’un an. Nous étions plus de cent candidats et à la fin il n’en restait que six. Nous nous sommes retrouvés à bord de l’AC40 en début d’année, dans une structure incroyable. Je n’ai jamais vu un truc pareil!
Comment s’est déroulé ton quotidien lors de la phase de préparation ?
Nous nous sommes très rapidement sentis bien intégrés. Avec l’équipe de la Youth, nous avons tous fait de l’Optimist ensemble donc nous nous connaissions déjà très bien. Et les autres nous ont aussi très bien accueillis. Nous faisions vraiment partie de l’équipe, nous mangions ensemble, allions à la gym etc. Ensuite chaque équipe avait sa préparation spécifique et nos fonctions étaient clairement délimitées.
Comment cela se passait-il concrètement ?
Dans un premier temps, nous avons fait de nombreux allers-retours entre Genève et Barcelone. Nous avions un bureau dans la base, et nous pouvions aussi utiliser le simulateur. Ce dernier est identique au voilier; on y navigue à quatre, avec exactement les mêmes fonctions que sur le vrai voilier. Mais rien ne remplace la navigation.
Le voilier est-il compliqué ?
Non, pas vraiment, il faut juste comprendre les boutons et ne pas se tromper. Les barreurs s’occupent de la barre, de faire monter et descendre les foils, de l’angle (rake) du safran, de la hauteur de vol ainsi que de la tactique. D’une façon générale, ceux qui naviguent au vent ont plus de travail mais il est essentiel de bien communiquer en permanence et c’est l’une des choses que nous avons le plus travaillé en simulateur. Par contre les voiliers ne sont pas du tout physiques, tous les réglages se font à l’hydraulique, il n’y a pas de manoeuvres lors desquelles on travaille sur le pont, c’est assez bizarre. Ceci dit il faut être en bonne forme, tant physiquement que mentalement.
Comment s’est passée la prise en mains du voilier ?
Nous avons pas mal navigué ce printemps, puis en juillet nous avons fait des régates d’entraînement avec les autres équipes. Mais nous n’avons eu que deux jours de navigation en août, c’est mon seul regret.
Et tout d’un coup, c’est la Youth America’s Cup; comment t’es tu senti le matin de la première course ?
Franchement bien. Avec l’équipe, on était très concentrés, on se sentait prêts. Aussi excités, bien sûr, mais confiants. On s’est retrouvés sur l’eau avec des conditions assez soutenues et pas mal de vagues, c’était très intense.
Comment as-tu vécu ces régates ?
Il y a eu trois jours de régates, c’est passé très vite. Les courses sont d’une intensité incroyable. On avance souvent à plus de 40 noeuds et on croise les autres voiliers à moins de dix mètres, c’est dingue. Mais en même temps on se sent en contrôle, on ne ressent pas vraiment cette vitesse élevée. Les régates étaient incroyablement serrées; il est arrivé que toutes les équipes passent la ligne d’arrivée en moins de vingt secondes, c’était fantastique. Au niveau du classement, nous n’avons pas obtenu le résultat que nous espérions mais comme nous avons moins navigué que les autres équipes, c’est un résultat assez logique.
Certaines équipes, notamment les français, ont beaucoup souffert de problèmes techniques, comment cela s’est-il passé pour vous ?
Nous avons aussi eu des problèmes qui nous ont pénalisés. Nous avons dû abandonner une manche et nous avons eu des soucis techniques sur trois autres courses, notamment avec les foils qui remontaient tout seul. C’était très frustrant, les bateaux ne sont pas 100% fiables. Il faut comprendre qu’avant la course, notre AC40 était dans notre base. C’est nous qui nous en occupions et nous avons bénéficié du soutien de toute l’équipe Alinghi Red Bull Racing. En revanche, dès le début des courses, les organisateurs les ont pris en mains et nous n’avions plus le droit d’intervenir. Ils ont eu un peu de peine à gérer toutes les demandes et les soucis des différentes équipes, c’est dommage.
Comment vois-tu la suite, et comment envisages-tu ton avenir ?
D’abord, je dois terminer mon Bachelor; je suis en troisième année en finance à l’HEC Lausanne. Au niveau voile, je n’ai encore aucune idée de ce que je vais faire. J’aimerais bien naviguer en Moth car c’est une série très simple: on prend son bateau et on va naviguer. Pour ce qui est de l’America’s Cup, tout va dépendre du vainqueur et des décisions qu’il prendra. C’est clair que je serais très content de pouvoir continuer à naviguer sur ces voiliers si c’est possible, et que ça m’intéresserait aussi de rejoindre l’équipe principale s’ils font appel à moi, mais c’est impossible de prédire l’avenir.